Pourquoi le Cantal Ink 2018 n’aura pas lieu

Pour le Festival du Tatouage de Chaudes-Aigues, l’été a démarré en fanfare avec une 5ème édition plus réussie que jamais. La saison s’achève sur une note bien plus amère puisqu’à l’heure du bilan financier, le constat est là : le Cantal Ink 2018 n’aura pas lieu. Notre équipe vous explique pourquoi.

2015 : une première alerte pour le Cantal Ink

Le Cantal Ink ou Festival International du Tatouage de Chaudes-Aigues est une histoire qui a commencé en 2013. Il y a quatre ans, quelques poids-lourds du tattoo international découvraient notre commune auvergnate pour une convention pas tout à fait comme les autres.

Le Cantal Ink : un événement qui rassemble les meilleurs

Parmi eux : Nikko Hurtado, Shane O’Neill ou encore les frères Kern. Année après année, la liste s’est étoffée avec des monstres sacrés dont la simple évocation donnerait le vertige à tout amateur d’encrage : Bob Tyrrell, Carlos Rojas et Carlos Torres, Alex de Pase, Boris et Andrea Afferni, Laura Juan, Dan Marshall et Gunnar V, Säde Sonck, Joe Capobianco, Bugs et Jeff Gogue, Dave Koenig, Joshua Carlton et Robert Hernandez, St. Marq, Eric Marcinizyn et Dr.Pepper, Valentina Ryabova et Sasha O’Kharin, Jari Kajaste, Matti Kattilakoski ou encore Noa Yannì. Côté français, le Cantal Ink a aussi permis de faire la lumière sur des talents naissants, à l’image d’Olivier Poinsignon, Sandry Riffard et Thomas Carli Jarlier, tous des produits de la région Auvergne. Faire venir des cadors de l’encrage et des étoiles montantes dans un petit village de France : tel fut le défi – relevé – du Cantal Ink, deux années durant.

Tatouage au Village : quand les Amis du Festival soutiennent le Cantal Ink

La 3ème édition cristallisa les premières limites de l’événement : des frontières non pas artistiques, mais bien financières. Sujet à sa première crise – un malaise poussé par une possible interdiction des encres couleurs qui, à l’époque, défrayait la chronique –, le Cantal Ink devait être reporté. Fondateur et président de l’événement, Stéphane Chaudesaigues s’expliquait en détails sur cet isolement financier.

Faute d’argent, le 3ème Cantal Ink fut repoussé en sa forme initiale… mais pas annulé. Pour faire honneur à l’adage jamais deux sans trois, notre équipe a donné à la commune Tatouage au Village : une 3ème édition plus modeste, plus intimiste, moins spectaculaire, portée par quelques irréductibles soutiens surnommés les Amis du Festival. Ces fidèles brassent bénévoles, compagnons de longue date, et tatoueurs revenus faire le déplacement pour une convention qui leur est chère : Paul Motta, Bop John, Thomas Carli Jarlier, Matteo Pasqualin ou encore Hannah Aitchison.

Un manque de financement fatal

Ce regain de vitalité a permis à un 4ème Cantal Ink d’exister en 2016, puis à un 5ème volet de voir le jour en 2017. Mais cela, toujours sans soutien financier digne de ce nom. Car c’est là, encore et toujours, le nerf de la guerre. L’équation est simple : un événement comme le Festival du Tatouage de Chaudes-Aigues, parce qu’il propose une offre éclectique faite de concerts, de spectacles, d’animations, de feux d’artifice ou encore de show motos, requiert des fonds. Les pouvoirs publics peuvent – d’aucuns diront doivent – participer financièrement à un événement qui participe à l’essor d’une ville et d’un département. Or, depuis le 1er volet de notre édition, ce sont précisément ces coups de pouce qui manquent cruellement à l’appel.

Le Cantal Ink, un événement qui a pourtant fait ses preuves

Au vu de cette timidité des pouvoirs publics, une question doit alors être posée : le Cantal Ink mérite-t-il d’être aidé financièrement ? Jugez par vous-même : en 2013, le chiffre d’affaires généré par le Cantal Ink pour Chaudes-Aigues, village de moins de 1 000 habitants, avait été évalué à 620 000 € en côte basse… et 1 200 000 € en côte haute. Du jamais-vu dans l’histoire de Caldaguès. La réalité, c’est celle-ci : le Festival du Tatouage de Chaudes-Aigues a fait ses preuves et a un apport médiatique et économique de qualité sur la commune et, de fait, sur le département qui l’abrite. En quatre mots comme en cent : le Cantal Ink rayonne.

Or, hormis une enveloppe de 4 500 € attribuée par le Conseil départemental du Cantal en 2017 et dont nous remercions chaleureusement les commanditaires, peu ou aucun financeur ne s’est manifesté pour soutenir notre événement. Le dernier refus en date est signé de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et nous a été expédié le 30 juin 2017… soit la veille du coup d’envoi du 5ème Festival du Tatouage. Voici le courrier authentique.

Embuche pour l’édition 2017, la décision constitue un véritable frein pour le volet 2018. Notre (maigre) lot de consolation : fantasmer Laurent Wauquiez, président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, juger lui-même de "l’éligibilité du Cantal Ink" en se rendant sur place… comme l’imaginait, le 4 aout 2017, le journal parodique L’Oignon du Cantal.

Des subventions publiques distribuées à d’autres événements

Comble : les pouvoirs publics environnant Chaudes-Aigues ne sont pourtant pas avares en subventions. C’est ce qu’a montré le travail de Yann Bayssat, auteur pour le quotidien régional La Montagne. Dans un article intitulé 5e édition du Festival du Tatouage Cantal Ink : la plus belle... et peut-être la dernière ? et publié le 13 juillet 2017, le journaliste dressait un tableau des financements attribués aux rencontres locales. Ainsi, on apprend que la région Auvergne-Rhône-Alpes a distribué, au titre du pacte Cantal :

  • 600 000 € aux Étoiles du Sport
  • 1,26 million d’€ au Festival de Théâtre de Rue d’Aurillac
  • 66 000 € au Festival des Hautes Terres à Saint-Flour
  • 42 000 € au Festival de Boogie Woogie de Laroquebrou (enveloppe couvrant 6 éditions)
  • 0 € au Cantal Ink

Le Conseil départemental, pour sa part, donnait en 2016 :

  • 15 000 € aux Hautes-Terres
  • 20 000 € à Laroquebrou
  • 7 000 € pour les Palhas à Massiac
  • 2 000 € pour le Cantal Ink (somme augmentée de 2 500 € en 2017 comme évoqué plus haut)

Citons enfin Saint-Flour Communauté et son aide technique attribuée au Cantal Ink, avec fourniture des barnums et barrières de sécurité. Conclusion : en matière de financement, le tattoo reste-t-il persona non grata ?

La Sacem ou l’illustration par l’exemple des charges très lourdes pesant sur le Cantal Ink

Ce manque de subventions publiques se couple à un autre facteur qui compromet la tenue du Cantal Ink 2018 : celui des charges très lourdes pesant sur notre événement. S’il n’y avait qu’un nom à retenir, ce serait celui de la Sacem ou Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Société privée, elle vise à "collecter les droits d’auteur en France". Traduction : une reprise d’un groupe local entonnée sur la scène du Cantal Ink équivaut à une redevance devant être réglée par le Cantal Ink.

La note est plus que salée : elle est terriblement épicée. Dès la première année, la Sacem nous a réclamé un chèque de 10 000 € – une somme pharaonique et surréaliste pour un événement comme le nôtre et qui, multipliée par 5 éditions, aurait définitivement condamné notre festival. En 2017, La société basée à Neuilly-sur-Seine a finalement baissé la note à 16 000 € ; mais le montant demeure trop élevé pour une rencontre à échelle humaine qui, en une demi-décennie, n’a jamais généré de bénéfices.

Le Festival du Tatouage, un événement qui n’est pas au goût de tous

À ce manque de soutien public couplé à des charges démesurées s’ajoute une troisième difficulté : la réticence de certains locaux à voir le Cantal Ink devenir un événement pérenne. Malgré la bonne volonté de certains élus, il apparait année après année que l’événement n’est pas le bienvenu pour tous. Ceux de qui le Festival du Tatouage de Chaudes-Aigues devrait légitimement attendre le plus de soutien, apparaissent finalement au mieux frileux, au pire ostensiblement distants. Lorsque l’on sait le bien que l’événement fait au village, ce manque d’engagement ne peut qu’être déploré.

Les soutiens privés et semi-privés du Festival du Tatouage

Si le Cantal Ink accuse un manque de fonds pour la tenue d’une 6ème édition, il n’en oublie pas pour autant ses soutiens historiques et annuels. Notre équipe pense aux soutiens privés que sont Killer Ink, Audebert boisson et le Crédit Agricole, et aux soutiens semi-privés parmi lesquels figure Caleden. En 2017, certains commerçants locaux se sont eux aussi engagés financièrement pour la première fois. Enfin, la mairie de Chaudes-Aigues a mis à notre disposition des moyens techniques et personnels pour fluidifier l’organisation de la rencontre. Bien qu’insuffisants pour assurer notre survie, ces gestes ont beaucoup compté pour la réussite de notre événement.

La recrudescence des conventions de tatouage en France

À l’heure du bilan, le Cantal Ink peut se targuer d’avoir compté parmi les précurseurs des conventions de tatouage sur le sol français. En 2013, ces événements regardés d’un œil suspect par certains étaient encore anecdotiques. 4 ans plus tard, ils se sont démultipliés sur le territoire. Si le Festival du Tatouage de Chaudes-Aigues se félicite d’avoir pleinement participé à la démocratisation des conventions tattoo en France, il ne peut que constater que cette suroffre a attiré les curieux, à son détriment, vers des zones et métropoles plus facilement accessibles que Chaudes-Aigues, petit village perché sur de hauts plateaux auvergnats.

La qualité des événements tattoos pas toujours au rendez-vous

Mais le véritable regret que cultive le Cantal Ink au sujet de la recrudescence des conventions de tatouage ces dernières années, c’est le manque de qualité de nombre d’entre elles. Certains événements se contentent de surfer sur une tendance, sans même faire l’effort de proposer une véritable offre derrière l’affiche et la page Facebook créées au débotté. Le récent échec du Gothic Festival à Tilloloy est symptomatique de cette explosion pas toujours contrôlée et qui vient cannibaliser les rencontres les plus modestes et qualitatives.

Le Cantal Ink au point mort… pour combien de temps ?

Aujourd’hui, deux mois après le succès du 5ème Cantal Ink – pour nous, la plus belle édition –, le Festival du Tatouage de Chaudes-Aigues est au point mort. Malgré vos messages, malgré notre envie, malgré nos idées, il n’y aura pas de Cantal Ink 2018 sans aide conséquente des pouvoirs publics. Réduire les concerts, les animations, le nombre de tatoueurs : des solutions sont envisageables et ont été analysées scrupuleusement tout l’été par notre équipe. Mais la conclusion de Stéphane Chaudesaigues tient en une phrase : "Je ne me vois pas continuer pour faire moins bien".

Notre histoire continue avec le Corsair Tattoo Ink

En attendant un ultime sursaut des financeurs, notre équipe vous convie à Saint-Malo dès le mois de juillet 2018 pour le Corsair Tattoo Ink, convention de tatouage partenaire de la nôtre. Amis festivaliers et professionnels du tatouage, nous vous invitons chaleureusement à vous rapprocher des organisateurs pour poursuivre l’aventure. De notre côté, nous vous laissons avec une ultime vidéo nostalgie du Cantal Ink 2017 réalisée par Léo Pons, et cultivons le doux espoir de vous revoir un jour tout près de la source du Par.

© Léo Pons

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