Inked magazine article sur Jack Ribeiro.

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Dimanche, 12 Mai 2013

Au moment où nous annonçons la participation de Jack Ribeiro au Festival Du Tatouage de Chaudes-Aigues, nous découvrons un superbe article paru dans Inked Magazine.

Pour les amateurs du style,  vous reconnaitrez la plume de notre ami François Chauvin.

Un grand merci à Mric pour nous avoir autorisé, la diffusion de l'article sur Jack.

 

JACK ribeiro

C’était le genre de décision à ranger dans la catégorie “bonne résolution de début d’année” : prendre le temps de trier tous ces magazines qui, des cartons d’un dernier déménagement, avaient directement basculé dans une armoire.

En vrac. Je m’attaque au tas qui empêche carrément la porte de se fermer et, bam, tombe sur une vingtaine de numéros du Métal Hurlant première manière, quelque chose, au mitan des années 70, comme le meilleur magazine du monde. Impossible donc de ne pas en feuilleter quelques exemplaires,  comme je le faisais, gamin, en cachette et après les avoir discrètement emprunté au grand frangin. Forcément à l’âge où tu es plutôt censé être abonné à Picsou magazine, découvrir Métal, ces unes avec monstres à tentacules débarqués de l’hyper-espace et filles à (très) gros seins, ça marque. Un peu. Ça traumatise même presque. Un peu aussi. Comme ce numéro 21 dont la couverture saluait la sortie du Necronomicon de Giger. Giger, le mec qui avait signé la pochette d’un disque d’Emerson, Lake & Palmer également emprunté dans la collec du grand frangin. Si le vinyle ne m’a pas marqué au fer rouge, je me souviens que cette  pochette signée Giger me foutait, quand même, vaguement mal à l’aise. Comme celle du premier album de Black Sabbath, avec cette fille blafarde qui, raconte la légende, n’était apparue qu’au développement…

Enfin bref, j’en étais à rejouer à me faire peur, à envisager une nouvelle visite chez Giger à Gruyères, à réécouter Black Sabbath, le titre d’ouverture du premier album du gang d’Ozzy, la cloche qui sonne, noyée dans des grondements d’orage, quand un mail du rédac’chef  m’annonce que l’invité de la rubrique Icône du numéro 14 d’Inked sera Jack Ribeiro.

Un Jack Ribeiro qui, quelques jours plus tard, me cite parmi ses grandes influences Giger (« pour faire comme tout le monde », précise-t’il avec ce sourire qui ne le quitte jamais) et Black Sabbath. Prémonition ? J’y crois pas. Jack Ribeiro pareil. Lui qui, pourtant, en décembre dernier, s’est subitement mis à éclabousser de rouge quelques visages croqués au crayon, juste avant que des proches ne soient victimes d’accidents vasculaires cérébraux…

Oublions, néanmoins, la prémonition. Pur hasard donc également, si dans ce bar façon pub de Thionville choisi par l’alter-ego Judy, on s’installe autour d’un de ces tonneaux qui servent de table, pile sous une affiche du prochain Sonisphere qui se tiendra non loin, en juin prochain. Tête d’affiche : Iron Maiden. Maiden, le premier groupe qu’a découvert sur scène, un Jack Ribeiro, adolescent. Maiden dont Jack, adolescent encore, rêvait de se faire tatouer le trooper, comme Steve Harris. Adolescent toujours, Jack rêvait juste de se faire tatouer. Pas de faire de tatoueur son métier. Ça, c’est pour la suite de l’histoire.

Une histoire qu’on reprend là maintenant, à son presque début. Jack Ribeiro passe son enfance en Lorraine, dans un village des environs de Sierck-les-Bains, toute petite ville à deux pas des frontières allemande et luxembourgeoise. Toute petite ville où Jack vit encore aujourd’hui. Les parents ont quitté un Portugal avec dictature mais sans vraiment beaucoup de boulot pour cette région qui, à l’époque, entre mines de fer et usines sidérurgiques, permet de vivre, pour peu qu’on ne rechigne pas à la tâche. La vallée de la Fensch est juste à côté. Cette vallée parfois surnommée “des anges”, parce que tous les bleds ou presque y portent un nom qui se termine par “ange”. Comme Florange dont vous ne pouvez ignorer l’existence à moins de n’avoir jamais pressé le bouton marche-arrêt de votre télé ces mois derniers. Une vallée des anges qui ici ou là, après tous les chocs encaissés depuis les années 70, ne ressemble donc plus vraiment aujourd’hui au paradis. Est-ce dans cet environnement qu’il faut chercher les racines de ce style plutôt dark qu’affectionne Jack Ribeiro ?  Peut-être. Peut-être pas.

Dans l’enfance, son “grand fun” à Jack, ce sont les comics, les histoires de super-héros. Avec son frère, Jack se cogne une quinzaine de kilomètres aller-retour à pied (soit deux bonnes heures, si on calcule bien) pour se fournir en Super Strange et autres Titans chez le seul et unique tabac-presse de Sierck-les-Bains. Les comics,  seul moyen d’évasion pour ces gamins, dans ce milieu des années 70 avec trois chaînes seulement -et en noir et blanc sur le poste familial- à la télé française. Jack ne se contente pas de bouffer du dessin. Il en fait également. Beaucoup. Un moyen pour lui d’échapper -au sens propre- à la réalité. Parce qu’encore enfant, Jack a perdu son père. Et s’il ne s’étend pas plus que ça aujourd’hui sur le sujet, on sait, on sent qu’hier, Jack a morflé. Est-ce dans ce traumatisme d’enfance qu’il faut chercher les racines du style de Jack. Peut-être. Peut-être pas.

Enfant, Jack dessine donc. Incessamment. Il se souvient d’avoir trouvé l’inspiration dans le Petit Larousse. Pas en copiant laborieusement les drapeaux en couleur des pages de la fin comme l’on fait tous les mômes qui ont grandi dans ces années là. Non. Jack s’attaque à de l’autrement plus difficile, reproduit un Don Quichotte d’il ne sait plus qui. Daumier ou Gustave Doré, sûrement, enfin, on suppose.

Son instit de l’époque tombe sur le dessin. S’enthousiasme pour ce talent précoce, demande à Jack de faire des portraits de sa femme, de ses enfants... Jusqu’au chat ! Un talent de portraitiste, en germe,  qui a complétement éclos aujourd’hui : un simple coup d’œil aux portraits de Johnny Depp ou de Lemmy qui s’affichent sur cette page de Inked suffit pour le comprendre.

Faut écrire que ce Lemmy fait partie d’une longue série de portraits de chanteurs de métal, entamée par Jack à l’adolescence. Il reproduit aussi des jaquettes de cassettes vidéo, comme celle, il s’en souvient, d’ Amityville, la Maison du Diable. Un classique du cinéma d’horreur. La veille de ma rencontre avec Jack, en Lorraine toujours, Fantastic’Arts, le festival de Gérardmer avait, en décernant son grand prix au film d’un réalisateur espagnol, rappelé que, depuis maintenant quelques années, l’Espagne produit le meilleur cinéma fantastique du monde. Serait-ce à dire qu’il y a un lien très fort entre la péninsule ibérique et l’horreur ? Que ce pourrait également être une explication au style de Jack Ribeiro ? Peut être. Peut être pas.

Retour aux environs de Sierck-les-Bains, quelque part au milieu des années 80. Jack, “le mec au fond de la classe, celui qui ne s’ennuie jamais parce qu’il dessine toujours” se verrait bien faire les Beaux-Arts. La conseillère d’orientation  dissuade la mère de Jack de le laisser suivre cette filière là d’un catégorique « pas de débouchés ». Jack le regrette vaguement aujourd’hui parce qu’il pense qu’il aurait « appris pas mal de techniques » aux Beaux-Arts mais s’en fout un peu aussi parce que l’absence d’études artistiques lui a évité de « tomber dans l’académisme ».

Jack suit quand même une formation très vaguement en rapport avec sa passion pour le dessin, plutôt côté industriel, touche à plusieurs boulots. Jusqu’à ce qu’un ancien pote d’école qui s’est improvisé tatoueur lui propose d’essayer une machine un peu bricolée. Cette prise en main d’un semblant de dermographe tient de la révélation : Jack sera tatoueur. Il s’achète à Lille du matos d’occase, des machines Mickey B, aujourd’hui collectors.  Et s’installe comme tatoueur à Sierck-les-Bains au milieu des années 90.  Au début, Jack propose du flash, comme tout le monde ou presque à l’époque. Mais s’impose évidemment à lui l’idée de piquer ses propres dessins, d’imposer son style.

Un style d’une certaine noirceur, nourri de toutes les références et expériences de l’enfance et de l’adolescence, mais plus que personnel. Et qui ne se révèle pas que sur la peau. Au fil des années, Jack Ribeiro s’est frotté à pas mal d’autres moyens d’expression. Toiles à l’huile ou à l’acrylique, fabrication de machines, de bijoux de piercing jusqu’à la conception récente de sculptures numériques : Jack est plus proche de ces artistes touche-à-tout de la Renaissance italienne que du tatoueur du coin de la rue.

Son style à Jack, c’est bien sûr le noir et blanc. Enfin, puisqu’on parle ici tatouage, le noir et gris. Parce que pour Jack Ribeiro, les noir et gris ont « un côté plus solennel », permettent « de faire passer plus d’émotions ». Pas trop son truc, la couleur donc à Jack Ribiero. Jusqu’à ne s’habiller qu’en noir, invariablement. « Trop de couleurs distrait le spectateur » affirmait Jacques Tati. L’autre Jack adhère à la formule, reproche à la série The Walking Dead dont Judy, qui partage cet entretien avec nous, est vraiment fan, d’ « essayer d’en foutre plein la vue avec de la couleur ». Aux couleurs éclatantes, Jack Ribeiro préfère depuis toujours ou presque le “ténébrisme” du Caravage ou le noir et blanc des clichés de l’exposition sur Charlie Chaplin récemment découverts en marge de la dernière convention de Lyon.

Parce que Jack Ribeiro fréquente toujours beaucoup les conventions. Inked l’a rencontré à son retour de Lyon, il prenait quelques jours plus tard l’avion pour Milan. En France, cette année 2013, Jack sera notamment du parisien Mondial du Tatouage en mars, du Festival du Tatouage de Chaudes-Aigues en juillet puis de l’Holyday Ink de David de Pertuis.

Ces conventions, Jack a, au départ, décidé d’y dégotter un stand pour proposer ses dessins à “un public plus averti” que celui qu’il pouvait tatouer à Sierck. Strasbourg, à l’époque une des plus célèbres de France, sera la première étape d’une longue, très longue série. Des conventions pour lesquelles Jack continue à parcourir le monde avec toujours « cette envie de découvrir d’autres gens, d’autres styles, d’autres pays » (Jack ne doit avoir un Magellan dans son nom de famille complet par hasard !). Des conventions auxquelles Jack sait qu’il doit beaucoup sinon tout. Des rencontres, d’abord :  avec Tin-Tin qui porte un regard critique mais constructif sur le travail de Jack, avec Micky Vialetto qui lui ouvre les portes d’autres conventions d’envergure en Europe dont Prague où il croise Milosch devenu depuis un ami, avec Mao qui lui fait découvrir Roberto Hernandez (« on me compare souvent à Paul Booth » assure Jack « mais mon mentor c’est Roberto Hernandez »). Des conventions qui, en quelques années à peine, imposent le nom de Jack Ribeiro sur la scène mondiale du tatouage. Jack aurait donc pu partir, loin, mais des disons, “obligations familiales” l’ont amené à rester en Lorraine. À Metz d’abord, où il ouvre un shop aujourd’hui cédé à d’autres. Puis à Thionville, avec “By Jack” où, aux côtés d’une petite équipe dont son épouse et l’aussi discret que talentueux Judy, Jack est présent encore, une fois par semaine. Sinon, Jack s’est installé au Luxembourg. Pour des raisons fiscales dont il ne se cache pas : ce mec, en plus d’être tout simplement charmant, est d’une transparence totale. Mais comme Inked n’est pas un magazine spécialisé dans l’économie (ça se saurait…) on ne s’étendra pas plus que ça sur le sujet. Pour Jack, ce studio de tatouage en étage, intentionnellement très discret ressemble surtout à un vrai luxe, pour lui comme pour ses clients, venus de partout. Dont de nombreux tatoueurs. « C’est un vrai honneur d’être reconnu par ses pairs » reconnaît Jack Ribeiro. Qui trouve tout aussi “valorisant” de savoir qu’il est, un peu partout dans le monde, attendu par nombre de clients quand il est en convention. Jack pense toujours que « le plus important, c’est le gars ou la fille qui te confie un espace de peau ». Jack Ribeiro a su rester humble.

Pourtant le petit ruisseau (ribeiro en portugais…) a, comme dans l’expression populaire, fait une grande rivière. Sinon, un fleuve. Tranquille, le fleuve… 

 

3 rue Ancien Hôtel de Ville

57100 THIONVILLE

T: 03 82 59 28 01

www.byjack-ribeiro.com

info@byjack-ribeiro.com

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Par François Chauvin

Portraits FABOU

 

 

“le plus important, c’est le gars ou la fille qui te confie un espace de peau”

 

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